
Réseaux sociaux : les jeunes ne sont pas dupes mais ils sont accros
Les ados sont conscients des dangers sur les réseaux sociaux…
- 77 % des mineurs de 11 à 17 ans estiment que les réseaux sociaux les exposent à des risques graves
- 61 % savent signaler un contenu ou un compte inapproprié
- 53% de ces jeunes veulent plus d’accompagnement
Les jeunes ne sont pas dupes des dangers du numérique, a conclu une étude de l’Arcom, l’instance de régulation de l’audiovisuel et du numérique, parue hier*. La chercheuse en sciences de l’information et du communication Anne Cordier, invitée à la table ronde organisée pour présenter cette enquête chiffrée, a même constaté que les jeunes ont « une connaissance plus fine des différents dispositifs techniques » qu’auparavant. Ils savent manipuler les plateformes et leurs outils pour se protéger des contenus inappropriés, comme le signalement ou le blocage. Plus de la moitié des 11-17 ans réclament également un meilleur accompagnement sur les plateformes : « Il faudrait vraiment commencer la sensibilisation dès le primaire ou au début du collège, pas attendre le lycée », a estimé une adolescente de 16 ans interrogée dans le cadre de l’étude.
… Mais beaucoup transgressent les règles
- 62 % des adolescents de 11 à 17 ans ont triché sur leur âge lors de leur inscription sur un réseau social car ils n’avaient pas l’âge requis
- 47 % reconnaissent contourner régulièrement les règles
Paradoxalement, « près de la moitié disent qu’ils contournent régulièrement les règles », surtout à partir de 14 ans, a analysé Marianne Serfaty, de l’Arcom, en présentant les résultats de l’étude. Cette ambivalence serait simplement propre à leur âge, car « être adolescent, c’est prendre des risques », a résumé sa collègue Laure Fallou. Pour illustrer les transgressions possibles, deux jeunes adolescentes se sont confiées : « Je falsifie mon temps d'écran avant de l'envoyer à mon père », a raconté la première, 16 ans. L’autre, 14 ans, a dû faire vérifier sa carte d’identité pour s’inscrire sur une plateforme pour laquelle elle n’avait pas l’âge requis : « J’ai volé celle de ma mère ».
Les réseaux sociaux ont aussi des bénéfices
- 86 % des 11-17 ans estiment que les réseaux sociaux donnent accès à des contenus éducatifs
- 80 % pensent qu’ils favorisent une vie sociale riche
Au-delà des risques, les adolescents considèrent également les plateformes connectées comme une opportunité sociale, culturelle ou informative… « Les réseaux sociaux permettent aussi aux mineurs d’avoir accès à un certain nombre de droits qui leur sont reconnus : droit à l’expression, droit à l’information, à l’éducation », a résumé Justine Atlan, directrice de l’association e-Enfance. Pour Elizabeth Milovidov, consultante pour la sécurité en ligne, invitée dans le cadre d’une table ronde parallèle organisée par l’Unesco le même jour, les parents doivent ainsi adopter une posture ouverte. « Intéressez-vous à la vie de vos enfants, demandez-leur : “comment était ta vie en ligne aujourd’hui ?” ». Ont-ils vu des contenus choquants ou appris des choses sur les réseaux sociaux ?
Et si on inventait un réseau social dédié aux mineurs ?
« Les enfants gravitent dans la même offre que les adultes, puisqu’ils ne sont pas identifiés en tant que mineurs » sur les plateformes, a constaté Justine Atlan. C’est pourquoi, comme d’autres experts, elle plaide pour la création de plateformes spécifiquement conçues pour eux, « avec un paramétrage par défaut adapté, en concevant des algorithmes de recommandation qui ne reposent pas sur une collecte massive de données comportementales, parvenant parfois à des flux de contenus nocifs », a détaillé Célia Zolynski, juriste. Anne Cordier considère que des réseaux sociaux répondent déjà à ces critères, comme Mastodon, Reddit ou Wikipedia. Mais comme ses consœurs, elle considère que protéger les jeunes sans les priver des bénéfices des réseaux sociaux est « un choix de société » que l’on ne fait pas « dans la peur et dans l’interdiction ». Ainsi, elle se positionne contre le débat sur l'interdiction des réseaux sociaux aux mineurs de moins de 15 ans.