Détecter les souffrances
Un élève plus en plus seul dans la cour, une lycéenne en pleurs, des résultats scolaires qui chutent… Vigilante, l’équipe éducative du lycée Jean-Paul II fait son maximum pour s’assurer que ces premiers signaux ne masquent pas une réalité plus grave. Depuis trois ans, sous l’impulsion de son chef d’établissement, Pierre-Louis Deulofeu, le lycée a créé autour des élèves une écoute organisée, où chaque membre de l’équipe éducative est conscient de son rôle d’accompagnateur et de l’importance de la prévention face à des risquesde violences multiples.
Morales et intellectuelles, physiques, psychiques, ces violences se traduisent par des situations de mal-être et de dépression. « Certains signaux ne trompent pas », constate Lydie d’Heygère, directrice adjointe en charge des terminales. « Un élève qui passe son temps à inventer des situations ou qui se scarifie exprime des souffrances et a besoin d’être accompagné. »
Des relais solides
Autour du chef d’établissement, trois adjoints, un responsable de la vie scolaire et son équipe, les professeurs principaux, l’Apel, le responsable de la pastorale, ainsi que deux infirmières et une psychologue qui sont en lien permanent. « Quand je reçois un élève, commente Carine Huré, psychologue à la direction diocésaine, qui exerce à mi-temps à Jean-Paul II, la situation est en quelque sorte “déblayée”. À la fin de l’entretien, je lui propose un suivi qu’il est libre d’accepter ou pas.J’effectue également un travail de prévention, dès la 6e autour du harcèlement. Comment les élèves s’adressent-ils les uns aux autres ? Que veut dire l’empathie ? Mesurent-ils la portée de certaines insultes ? »
Le suivi administratif est parfois lourd, selon la gravité des faits. Agressions sexuelles, harcèlement, commentaires racistes ou homophobes. Pour Pierre-Louis Deulofeu, il est nécessaire de réagir le plus vite possible : « Lorsqu’un enfant est victime de violence, après avoir recueilli les informations nécessaires, je le reçois avec l’un de mes adjoints pour mieux comprendre la situation et pouvoir ensuite agir dans les meilleurs délais en informant, selon la situation, les services départementaux et académiques, la préfecture ou le Procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du Code de procédure pénale. L’application “Faits Établissements” jusqu’à présent réservée aux établissements publics est désormais utilisée par les établissements privés sous contrat d’association avec l’État. »
Un lien de confiance
« Dès le début de l’année, je parle aux élèves de la violence sous toutes ses formes, précise Isabelle Petit, directrice adjointe en charge des secondes. S’il se passe quelque chose au sein de l’établissement ou en dehors, ils savent qu’ils peuvent venir m’en parler. Cette confiance se construit tous les jours et ces échanges donnent systématiquement lieu à des comptes-rendus et à un suivi avec la famille. »
Une confiance qui gagne les élèves. Corentin, en seconde, avoue apprécier la disponibilité des professeurs et des responsables de niveau pour évoquer des sujets dont il a du mal à parler, comme le harcèlement. « L’équipe éducative est très présente, reconnait Yasmine, en terminale. On peut parler de beaucoup de choses. Et quand on est stressé, on nous propose même des séances de relaxation. »
Un climat qui permet aux élèves de s’emparer des sujets qui les préoccupent : « Au bureau des lycéens, nous avons commencé à parler cette année de ce qui est toxique pour notre santé mentale », ajoute Cécile, en terminale.
La parole des parents
Les parents sont également au coeur du dispositif. Tous les premiers vendredis du mois, l’Apel tient une permanence. Sans rendez-vous, les familles viennent nombreuses exprimer leurs inquiétudes. Une simple demande technique cède souvent la place à une confidence. La parole se libère. « Dans une société dominée par la performance, où les parents sont souvent dépassés, les familles fragilisées, nous essayons de rassurer les personnes et de leur offrir un temps de parole sans aucun jugement, souligne Marine Gengembre, présidente de l’Apel. En toute transparence avec les équipes éducatives, l’Apel s’engage à être aux côtés de toutes les familles. »
Walid Moussa était mathématicien au Liban. Contraint de quitter son pays, son poste de CPE à Jean-Paul II lui a redonné le sourire. Avec son équipe, qu’il qualifie « d’équipe en or », présente jour et nuit (pour l’internat), il veille à créer un environnement sécurisant pour tous les élèves. « Il y a des souffrances chez les jeunes, mais nous ne pouvons pas tout voir et tout entendre. Il nous faut du temps pour les connaître et les comprendre. Certains sont discrets et ne souhaitent pasparler. À nous de créer un cadre respectueux dans lequel les élèves se sentiront en confiance. » Le respect et la confiance, deux conditions incontournables pour aider les jeunes à grandir.
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