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Violette Dorange : « L’important, c’est de se lancer des défis qui nous poussent vers l’avant »

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Revenue le 9 février, la plus jeune navigatrice de l’histoire du Vendée Globe s'est confiée au Figaro Étudiant sur sa course, ses études et sa soudaine notoriété. Nous sommes heureux de vous partager son témoignage sur apel.fr.

À seulement 23 ans, Violette Dorange est le plus jeune skipper à avoir participé au Vendée Globe, la plus mythique des courses au large, autour du monde, à la voile et en solitaire. Ce dimanche 9 février, après 90 jours en mer, la jeune navigatrice, étudiante ingénieur à l’Insa Rennes, a franchi la ligne d’arrivée. Un périple nourri de joies et de galères racontées tout au long de sa course dans de nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux. Elle se confie au Figaro Étudiant sur sa course, ses études, ses amis...

LE FIGARO ÉTUDIANT. - Tu viens de boucler ton premier tour du monde sur le Vendée Globe. Comment as-tu réussi à réaliser un tel rêve aussi jeune, en parallèle de tes études ?

Violette DORANGE. - Le projet du Vendée Globe ne s’est pas monté du jour au lendemain. J’ai fait de la compétition pendant des années. J’ai commencé à chercher mes premiers sponsors assez tôt en montant des projets de course au large. J’ai fait la Mini-Transat sur 6.50 à 18 ans. Le projet s’est professionnalisé petit à petit ces dernières années. J’ai lancé le projet Vendée Globe en 2020. On a réussi, mais le chemin a été très long. Combien de fois on s’est dit : «Jamais ça va le faire...»

Pour les études, j’ai suivi un cursus aménagé pour les sportifs de haut niveau à l’Insa de Rennes. Ainsi, j’ai fait ma prépa intégrée en quatre ans au lieu de deux, ce qui m’a permis de faire de la compétition. Je partais en mer pendant environ un mois. À mon retour, je m’enfermais pendant à peu près deux semaines pour réviser, rattraper tout mon retard et passer mes partiels. Je suis entré en cinquième année au moment de lancer mon projet Imoca pour le Vendée Globe. Mais à un moment, ça commençait à être trop dur. Je n’arrivais pas à suivre les deux en même temps. J’ai donc demandé une année de césure pour me donner l’opportunité de revenir plus tard à l’Insa terminer mes études.

Aujourd’hui, ta carrière de navigatrice a pris le pas sur tes études. Est-ce que tu comptes quand même aller au bout de ton école ?

Aujourd’hui, je me pose pas mal de questions. Je ne sais pas trop comment je vais gérer ça. Mais oui, j’aimerais bien aller au bout de mes études. J’ai vu le directeur de l’Insa Rennes il n’y a pas très longtemps, on va continuer à en discuter. Peut-être qu’on pourrait organiser un cursus un peu sur-mesure. Je ne sais pas trop ce qu’ils vont me proposer...

J’ai du mal à réaliser à quel point cette nouvelle notoriété peut changer des choses pour la suite

Violette Dorange

Est-ce que tu es attachée au fait de décrocher ton diplôme d’ingénieur ?

C’est important pour moi d’aller au bout. Plus je vais avancer, plus je vais apprendre des choses plus spécifiques qui peuvent m’aider à progresser comme marin. Dans des études d’ingénieurs, on peut apprendre à dessiner des pièces. À régler un problème qui se pose. Des choses qui peuvent me permettre de mieux comprendre les forces qui s’exercent sur un bateau.

Tu as été accueillie en triomphe dans le chenal des Sables-d’Olonne, il y avait énormément de jeunes. Quand tu étais en mer, est-ce que tu avais pris conscience de l’engouement énorme que ta course avait suscité ?

J’étais vraiment sous le choc de voir autant de monde, c’était incroyable, je n’en revenais pas. Encore aujourd’hui, j’appréhende un peu. J’ai du mal à réaliser à quel point cette nouvelle notoriété peut changer des choses pour la suite. À quoi vont ressembler ma nouvelle vie et mon nouveau rythme à terre ? Je ne sais pas vraiment... Je suis en train de le découvrir.

Tu as navigué avec les armes de ta génération, notamment les réseaux sociaux. Comment tu faisais pour prendre le temps de raconter toute ton aventure avec un navire à skipper ?

J’avais beaucoup de choses à faire : des vocaux pour la radio tous les trois ou quatre jours, des vidéos pour les partenaires, pour la communication, pour les organisateurs de la course... Au total, je faisais à peu près une vidéo par jour. Dès qu’il se passait quelque chose d’intéressant, je filmais. Heureusement, j’étais hyper bien accompagnée. J’envoyais tout à mon équipe de communication. Ils étaient plusieurs à gérer ça. Ils réceptionnaient tout, transmettaient aux différents médias, montaient les vidéos, alimentaient mes réseaux sociaux pendant que j’étais en mer.

Le projet du Vendée Globe, c’est aussi quelque chose que j’ai vécu en famille. Je n’ai pas passé une journée sans penser à eux en mer. Ils étaient quasiment les seules personnes que j’appelais. La voile nous a énormément rapprochés.

Violette Dorange

Qu’est-ce que tu voudrais dire à tous les étudiants et aux jeunes en général qui ont été inspirés par ta course ?

Mon bateau s’appelle Devenir : le projet c’était vraiment de dire que c’est possible de se lancer des défis. En fait ça permet d’avancer. J’ai toujours fonctionné comme ça. Pour les étudiants, mon souhait était aussi de montrer l’envers du décor, pour les aider à se lancer. Je ne suis pas toute seule. Monter un projet, c’est savoir s’entourer, trouver les bonnes personnes. Ma course, c’est aussi le travail de toute une équipe. L’important, c’est de se lancer des défis qui nous plaisent, qui nous correspondent, qui nous poussent vers l’avant. Et puis, je voulais aussi partager l’aventure, le côté nature. Je pense qu’on a tous besoin de ça.

Quand on a 23 ans, les amis occupent souvent une place très importante dans notre vie. Est-ce que tes amis étaient là pour te soutenir pendant ta course ?

Oui ! Ils m’avaient préparé des surprises ! J’avais une photo par jour dans mes sacs de ravitaillement. Je la collais sur l’intérieur de mon bateau. Ça me permettait de me remémorer tous les bons moments. Ils m’avaient aussi préparé des vidéos. À Noël, tous mes copains de l’école se sont filmés deux secondes en disant «Joyeux Noël Violette». Il m’arrivait aussi d’envoyer des SMS à quelques-uns en mer. Mais je ne leur téléphonais pas, ou peut-être un coup de fil rapide au Nouvel An. Je voulais rester dans ma bulle.

À l’arrivée, j’ai découvert qu’ils avaient créé un compte Instagram «Virage_Violette» pour amener du monde dans le chenal et mettre une ambiance de folie. Ils ont fait quelque chose de super. Ils ont dû y passer pas mal de temps et d’énergie. Savoir qu’ils ont fait tout ça, c’est fou. On les a bien vus sur le chenal. Il y en avait beaucoup de l’INSA Rennes, ce sont ceux qui étaient déguisés en dinosaures.

Tu as aussi l’air d’être proche de tes parents. Est-ce que leur avis compte dans tes choix d’études et de carrière ?

Oui, ça compte. Mon père m’a toujours soutenu à fond dans mes projets depuis que je suis toute petite. C’est avec lui qu’on a monté le projet de traverser la manche en optimiste quand j’avais quinze ans. Il me suit, il a fait partie de l’équipe à un moment. Ma mère est à fond aussi, mes frères et sœurs pareil. Le projet du Vendée Globe, c’est aussi quelque chose que j’ai vécu en famille. Je n’ai pas passé une journée sans penser à eux en mer. Ils étaient quasiment les seules personnes que j’appelais. La voile nous a énormément rapprochés. À l’âge des études, tout le monde part de la maison, chacun commence à construire sa vie. Ce qui était trop génial, c’est que souvent, aux départs, on était tous rassemblés. C’est quasiment les seuls moments où on y arrive ! Avec le départ et l’arrivée de ce Vendée Globe, on a vécu quelque chose de très fort tous ensemble. C’était trop bien !

Peux-tu nous en dire plus sur tes projets ?

Je vais faire l’année 2025 avec Samantha Davies et Initiatives Cœur. Il va y avoir la Transat Café L’Or, l’ancienne Jacques Vabre, en octobre 2025. Après, j’aimerais refaire le Vendée Globe. Mais je ne sais pas encore... Là, je viens tout juste d’arriver, j’ai juste besoin de me poser et de réfléchir un peu.

La reproduction de cet article a fait l’objet d’un accord de la part de la société Le Figaro.

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