Accroche
Rien de plus décourageant, après avoir obtenu sa licence, que d’être recalé à l’entrée du master. Découvrez les témoignages d’étudiants ayant surmonté cet obstacle et les conseils de professionnels.

Que faire après un refus en master ?

« En postulant partout en France, j’étais persuadée d’avoir une réponse positive ! », reconnaît Éléonore, 22 ans, qui a obtenu sa licence de droit privé à l’université Lyon 3 en juin 2020. En avril précédent, elle envoie vingt-huit demandes pour s’inscrire dans des masters de droit privé, « principalement en droit pénal, mais aussi quelques-uns plus généraux ». Chaque université ayant son propre site e-candidat, cela représente plusieurs heures passées à collecter et vérifier les pièces demandées. Les semaines s’égrènent et, avec elles, les réponses négatives, jusqu’à la dernière, en juillet.

Quinze jours pour saisir le rectorat

Le ministère de l’Enseignement supérieur ne compile pas de chiffres au niveau national. Cependant ils seraient plusieurs milliers, titulaires d’une licence, à se retrouver dans le même cas qu’Éléonore. Depuis 2017, les universités sélectionnent les étudiants à l’entrée de la première année de master, et non plus à l’issue de celle-ci. La réforme a également établi un droit à la poursuite d’études en master pour tous les titulaires d’une licence.
« On a quinze jours pour procéder à la saisine du rectorat à partir de la réception du dernier refus à nos demandes de master », explique l’étudiante lyonnaise, qui s’est lancée dans cette procédure fin juillet. La démarche n’est pas compliquée, mais implique deux conditions : avoir postulé dans au moins deux masters en rapport avec la licence obtenue et respecter le délai. Pour cela, il faut se rendre sur le portail national trouvermonmaster.gouv.fr, rubrique « Je suis accompagnée ». Le rectorat pourra formuler trois propositions de poursuites d’études en master au candidat, en lien avec son projet initial. Dans les faits, seule une partie des saisines aboutissent, faute de place dans les masters. Et les réponses arrivent souvent après la rentrée universitaire. Éléonore confirme : « Début septembre, le rectorat m’a informée des demandes qu’il avait faites à Lyon, à Saint-Étienne, à Chambéry… en me faisant suivre les réponses négatives de ces universités. » Multiplier les candidatures, si possible en étant mobile sur le territoire, est donc une condition nécessaire, mais pas suffisante pour ouvrir la porte d’un master. Surtout dans des filières sous tension comme le droit, la psychologie et les Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives).

Bifurquer sur d’autres études

« Les étudiants qui se voient refuser l’accès en master 1 ont souvent choisi un master par appétence pour une matière, sans mûrir leur projet professionnel », constate Laetitia Thery, responsable du service coaching et orientation de l’Université catholique de Lille. Juliette, 22 ans, en fait partie, même si elle a la vocation bien ancrée de devenir psychologue clinicienne : « Après ma licence de psycho à Paris-Descartes, j’ai décidé de partir un an en Amérique du Sud. » Rapatriée en raison de l’épidémie de Covid-19, elle postule dans six masters. En vain. « On ne m’avait pas dit en licence que le ratio pour entrer en master de psycho était si faible », regrette-t-elle. Elle rejoint un groupe d’entraide sur Facebook :
« Accès au master - étudiant·e·s sans réponse », qui compte plus de 650 membres. On la conseille pour la saisine du rectorat. « Mais ça n’a rien donné. » Juliette multiplie les démarches pour trouver d’autres filières similaires. « J’ai postulé dès fin juillet à l’Université Libre de Bruxelles, où j’ai été refusée – les critères ont été durcis car il y a 25 % d’étudiants français en psycho ! –, ainsi qu’à une rentrée décalée à l’Université de Lausanne. » En attendant la réponse, elle prépare un diplôme universitaire en lien avec la psychologie à l’Université Paris 8 et en partenariat avec le LACT, une formation privée à distance. « C’est très enrichissant pour mon futur métier. J’espère que ce sera aussi utile pour la sélection en master en 2021 ! »

Penser aux rentrées décalées

Trouver une formation dans une école s’anticipe, même si « beaucoup font des admissions entre juillet et septembre », souligne Laetitia Thery.
« Les candidats post-licence sont nombreux à intégrer une de nos écoles, renchérit Philippe Cattelat, directeur marketing du groupe d’enseignement supérieur privé INSEEC U. Chaque école a sa règle, soit d’admission sur titre soit sur concours. Beaucoup d’étudiants s’inscrivent aux concours entre janvier et avril, mais nous gérons aussi quelques dossiers arrivés en dernière minute à la rentrée. » Pour être équivalente à un master universitaire, cette formation alternative doit délivrer un diplôme de grade master reconnu par l’État. Bon à savoir, pour les étudiants sans solution à l’automne, de plus en plus de formations proposent des rentrées décalées, en janvier ou février, selon des procédures propres. Il faut donc se renseigner auprès des formations visées.

Trouver un stage en entreprise

Autre possibilité : acquérir une expérience professionnelle. C’est la solution choisie par Adrien, 23 ans, titulaire depuis 2019 d’une licence de gestion de l’IAE (Institut d’administration des entreprises) de Lyon. « J’étais un peu perdu et j’avais postulé dans six masters, mais sans grande conviction, admet-il. Pour les masters de la Sorbonne et de Dauphine, il faut avoir un très bon niveau académique. Et, à l’IAE, j’ai raté l’épreuve orale de groupe. J’étais le seul à ne pas avoir de projet concret, tous les autres candidats avaient une idée, voire déjà une entreprise. » Loin de se décourager, il sollicite une convention de stage auprès de l’université Lyon 3 dont dépend l’IAE. « Au début, la fac a dit non, mais j’y suis retourné tous les jours pendant deux semaines. La troisième semaine, j’avais ma convention ! » Très vite, Adrien trouve un stage grâce au site Welcome to the Jungle. Il est employé jusqu’en janvier dans une entreprise agroalimentaire à Paris. Fort de cette expérience, il enchaîne avec un autre stage dans une start-up, de février à juillet. Un pari gagnant : « Cette fois mon dossier a été accepté en master à l’IAE…, mais j’ai refusé la place », s’amuse l’étudiant, qui a intégré l’EM Lyon, une école de commerce.

 « Tant qu’on n’a pas trouvé son master, on est étudiant et la faculté peut faire une convention de stage, confirme Laetitia Thery. Avoir un petit job dans une boulangerie est mieux que rien, mais les stages en rapport avec le projet professionnel permettent de développer des compétences qui consolideront le dossier pour le master. » De même pour les années de césure à l’étranger – hors période de pandémie : « Ce type de césure, surtout quand c’est pour faire un stage ou un service civique, est très bien vu dans les universités, les écoles et les entreprises », assure la coach d’orientation. Avec toujours ce conseil en tête : plus le projet est anticipé, plus il sera facile à réaliser !

Le service civique, du temps pour rebondir

Témoignage Martin, 21 ans  

Martin, 21 ans, a choisi de faire une année de césure après sa licence de sciences politiques européennes, à l’ESPOL de Lille. En juin, il a postulé à une offre sur le site du service civique : « La seule qui correspondait à la branche qui m’intéresse : les affaires européennes ». Recruté en septembre 2020, il rejoint les Jeunes européens-Strasbourg, une association qui sensibilise les élèves à la citoyenneté européenne. Avec sa convention de vingt-quatre heures hebdomadaires, Adrien est payé 580 euros par mois. Au cours de ses huit mois de mission, il mobilise des bénévoles, contacte des partenaires éducatifs et participe aux interventions dans les établissements scolaires. « Cette expérience professionnelle me conforte dans mon choix de master de politique publique européenne. J’ai le temps de bien préparer mes candidatures. Alors qu’en troisième année de licence, avec le mémoire et les partiels, j’avais la tête dans le guidon », se souvient-il, avec le bon espoir que ce service civique lui ouvre les portes des « meilleurs masters » de sa liste.