Oui, les jeunes peuvent s’informer sur Internet. Les modes de consommation de l’information évoluent et les médias s’adaptent. Cependant, cette pratique reste encore peu encadrée et mérite la vigilance des parents et de l’école.

Les médias traditionnels (télévision, radio, presse écrite) ne séduisent pas les jeunes. En 2022, les 11-24 ans, n’étaient que 10 à 23 % à les consulter quotidiennement en 2022, contre 69 % pour les réseaux sociaux et 58 % pour les sites de vidéo en ligne, tels que YouTube ou Twitch, d’après le sondage Ifop pour la Fondation Reboot1. Les jeunes s’informent, mais autrement.

Les jeunes sont la cible principale de cet écosystème informationnel enrichi. Ils s’en sont saisis, faute de se sentir concernés par le contenu des médias traditionnels. Il y a dix ans, la professeure en sciences de l’information à Paris VIII, Sophie Jehel, alertait les pouvoirs publics, dans un article, sur « l’enjeu démocratique » que représente la considération du jeune public : « Les politiques publiques médiatiques semblent s’accommoder d’un modèle de société à deux vitesses où les jeunes seraient voués à des situations de précarité 2» informationnelle. Les médias se sont dès lors adaptés, légitimant les modes d’information des jeunes. Depuis octobre dernier, France Télévisions produit ainsi une émission animée par le journaliste Hugo Travers, de la chaîne YouTube HugoDécrypte, plébiscitée par les jeunes.

Les médias traditionnels ont compris l’importance de s’adresser à un tel public en proposant un contenu synthétique sur les réseaux sociaux, ou via des vidéos incarnées. En effet, chez les jeunes, « l’information transmise via le dispositif YouTube est d’autant plus reçue de façon efficace et traitée de façon impliquée qu’elle est incarnée par une personne qui donne le sentiment de prêter attention à̀ celui/celle qui l’écoute  3», explique Anne Cordier, professeure en sciences de l’information à l’Université de Lorraine. Elle fait référence aux vidéos des vulgarisateurs, qui ne sont pas journalistes mais hiérarchisent et vérifient les informations (ScienceEtonnante, Poisson Fécond, C’est une autre histoire…).

Les jeunes sont conscients des limites des réseaux sociaux

Les jeunes choisissent « d’accéder à une information […] considérée comme efficace, rapide, mais aussi qui serve leurs besoins à la fois académiques et personnels, et surtout qui procure du plaisir », poursuit Anne Cordier dans son article. Les jeunes qu’elle a interrogés ont d’ailleurs reconnu se diriger vers des formats au « design attractif ». Cependant, leur contenu ne sera « pas nécessairement (…) considéré comme plus fiable que les autres », et inversement, ils ne sont pas forcément attirés par un média qu’ils considèrent plus fiable, comme le journal TV, auquel près de trois quarts des 11-24 ans font confiance, d’après le sondage Ipsos. Ils ne sont, en revanche, que moins d’un tiers à faire confiance aux informations partagées sur les réseaux sociaux. Le jeune public connait les codes des réseaux sociaux, y compris leurs mécanismes de séduction et les plus âgés d’entre eux se méfient des risques qu’ils présentent. Les 18-24 ans seraient, d’après ce sondage, plus nombreux que les parents interrogés à plébisciter une « grande étude gouvernementale pour mesurer les risques que l’usage des réseaux sociaux fait encourir pour la santé mentale des jeunes » (82% contre 79%).

Un contenu de qualité et les fausses informations se mêlent sur ces plateformes. La pratique informationnelle numérique peut être accompagnée d’un contrôle parental et de mises en gardes pédagogiques. Sophie Jehel rappelle que « les enfants et les adolescents ont des caractéristiques liées à l’immaturité de l’espèce humaine, qui entraînent un certain nombre de vulnérabilités structurelles », dans son livre « L’adolescence au cœur de l’économie numérique » (INA, 2022).

L'information des jeunes sur les plateformes numériques

Étude Ifop pour la fondation Reboot réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 28 octobre au 7 novembre 2022 auprès d’un échantillon national représentatif de 2 003 jeunes, représentatif de la population française âgée de 11 à 24 ans»

Pour en savoir +

La Semaine de la presse et des médias dans l’École® est organisée chaque année par le Centre pour l'éducation aux médias et à l'information (Clemi). Elle permet aux élèves d'apprendre à mieux décrypter l’univers des médias et de comprendre ses enjeux culturels et démocratiques. Les enseignants des écoles, collèges et lycées peuvent s'inscrire pour participer aux différents événements proposés.

L’éducation aux médias

Les réseaux sociaux sont encore peu inclus dans les programmes d’Éducation aux médias et à l’information (EMI). « C'est difficile pour nous de se saisir de ce type de média moderne par rapport à ce qu'on fait sur les médias classiques […] on n'a pas tous les éléments qui nous permettraient de d'analyser le fonctionnement de ces réseaux, comme l'algorithme », expliquait Séverin Ledru-Milon, enseignant et formateur au Clemi (Centre de liaison de l'enseignement et des medias d'information), invité à la table ronde de l’Arcom sur la « citoyenneté numérique », le 19 mars dernier. Le directeur des relations institutionnelles de TikTok France, Éric Garandeau, a répondu que l’entreprise s’était « heurtée à des refus » de collaboration, malgré une « volonté […] de travailler avec tout l’écosystème » de l’Éducation. L’Apel a, par exemple, accepté de collaborer avec Meta, pour réfléchir aux moyens de protéger les jeunes sur les réseaux.

Attendant une meilleure compréhension des enjeux liés à l’information sur les réseaux sociaux, Anne Cordier présente des pistes d’amélioration pour les cours d’EMI, plus adaptés à la pratique des élèves – Une approche qui peut également être utilisée dans la sphère familiale. Elle invite, dans son livre Grandir Informés (C&f éditions, 2023), à légitimer la pratique informationnelle des jeunes, « pas en évaluant ses « bonnes pratiques » en matière d’information, mais en cherchant à comprendre de quoi est constituée son expérience, […] ce qui le conduit à rechercher ou, au contraire, à mettre à distance telle information ». D’après la spécialiste, il faut encourager les jeunes dans leur intérêt de s’informer avant de les former aux techniques de recherche d’information ou à la mise en garde contre les fausses informations, ce qui peut « nui[re] à un engagement serein dans l’activité informationnelle ».


1. Étude Ifop pour la fondation Reboot réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 28 octobre au 7 novembre 2022 auprès d’un échantillon national représentatif de 2 003 jeunes, représentatif de la population française âgée de 11 à 24 ans. ». (L’enquête est sortie le 22 novembre 2023

2. « Le déséquilibre des politiques médiatiques à l’égard des jeunes », Sophie Jehel, 2013, Agora

3. « Des formats d’information : Une mise à l’épreuve critique de l’expérience informationnelle », Anne Cordier. 2021

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