
Pourquoi l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans est-elle un casse-tête ?
Quelle est l’âge de la majorité numérique en France actuellement ?
La majorité numérique a été fixée à 15 ans le 7 juillet 2023. Cet âge « correspond normalement à l’entrée au lycée et à celui de la majorité sexuelle », a expliqué Laurent Marcangeli, auteur de la loi, lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs. En théorie, un mineur de moins de 15 ans ne peut s’inscrire sur un réseau social qu’avec l’autorisation de ses représentants légaux, qui ont également le pouvoir de suspendre son compte.
Pourquoi l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 est-elle toujours discutée ?
Bien qu’adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, cette loi n’est pas entrée en application. La preuve, parmi les adolescents qui ont participé à la consultation citoyenne organisée pour alimenter la commission d’enquête, 64 % des 12 à 15 ans ont affirmé consulter TikTok au moins une fois par jour.
Qu’est-ce qui bloque la mise en application de la loi « majorité numérique » ?
Cette loi demande aux plateformes numériques de contrôler l’âge de leurs utilisateurs. Or, d’après la législation européenne, cette responsabilité est celle des États membres, et non des plateformes. Cette question est un véritable casse-tête technique, car pour vérifier l’identité des utilisateurs, il faut accéder à leurs données personnelles. Or, elles sont protégées par le RGPD, un texte européen. Nous en sommes donc au status quo.
Peut-on envisager un texte européen pour encadrer l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans ?
« Une interdiction au niveau européen n’est pas ce vers quoi nous nous dirigeons », a affirmé un porte-parole du Parlement européen, lors de son audition par la commission d’enquête. Toutefois, depuis cet été, l’UE s’est engagée à simplifier la mise en œuvre de la régulation des réseaux sociaux par ses États membres. Depuis juillet, plusieurs pays testent un prototype d’application européenne pour vérifier l’âge des utilisateurs. Et les discussions autour de la législation européenne pourraient reprendre. La France, la Grèce, l’Espagne, l’Irlande, la Belgique, Chypre et le Danemark soutiennent ce projet à l’échelle européenne. De plus, le Danemark a pris la tête de la présidence tournante du Conseil de l’UE en juillet, et Chypre et l’Irlande prendront sa succession à partir de décembre prochain.
Que recommande la commission d’enquête ?
En attendant un consensus européen et la généralisation d’une législation européenne, le rapport recommande d’inscrire l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans dans la législation nationale. Mais sur la question de la vérification de l’âge des utilisateurs, la commission n’a pas encore de solution concrète à proposer.
Toutes les plateformes numériques seront-elles concernées par cette interdiction ?
Instagram, Snapchat, Facebook, X seraient interdits aux mineurs de moins de 15 ans. Ils auraient cependant toujours accès aux réseaux sociaux « dont l’objet principal est l’échange de messages », tels que WhatsApp ou Signal.
Quel encadrement pour les mineurs de plus de 15 ans ?
Le rapport recommande la mise en place d’un couvre-feu de 22 heures à 8 heures du matin pour les jeunes de 15 à 18 ans, sur les plateformes « dotées d’un système de recommandations de contenus visant à capter l’attention de l’utilisateur ». Par ailleurs, la commission n’exclut pas une interdiction des réseaux sociaux pour les jeunes de moins de 18 ans « si, dans trois ans, les réseaux sociaux ne respectent pas de façon satisfaisante leurs obligations juridiques et/ou s’avèrent représenter pour les mineurs des risques importants et persistants », comme TikTok ou Instagram.
Réaction d'Hélène Laubignat, présidente nationale de l'Apel
"Je suis tout à fait favorable à l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 15 ans. On donne nos enfants en pâture en leur donnant un téléphone portable. Ils ont accès à tout ce qui est imaginable et rares sont les parents qui effectuent un réel contrôle parental ou qui se sont informés sur les applications qu’utilisent leurs enfants. On ne se rend pas toujours compte des dégâts qu’ils peuvent faire : TikTok est le plus gros réseau de pédocriminalité. C’est pourquoi c’est aussi à nous, premiers éducateurs de nos enfants, d’être vigilants concernant les réseaux sociaux. Avant 15 ans, ils ne maîtrisent pas le danger de ce qu’ils y consomment, ni les répercussions de leurs actions. La santé mentale des jeunes est aujourd’hui étroitement liée aux réseaux sociaux."